De même que jadis en Chine les valeurs militaires étaient subordonnées aux valeurs civiles, jusqu’à une époque récente, l’étude de l’art du combat dépendait de l’observance des cinq vertus fondamentales prônées par le confucianisme, c’est-à-dire l’humanité, la justice, la bienséance, la sagesse et la sincérité.
En régissant autant les rapports au sein de l’école que le comportement du boxeur en société, ce code de conduite constituait ainsi un garde-fou à la pratique des arts martiaux :
« Celui qui veut étudier l’art doit d’abord observer l’étiquette, celui qui veut apprendre les techniques martiales doit d’abord acquérir la vertu »
« Si le cœur est droit, de la boxe sera juste ; si le cœur est mauvais, la boxe sera néfaste »
L’art martial chinois semble avoir été très tôt influencé par les techniques taoïstes connues en Chine depuis l’Antiquité comme l’atteste le Zhuangzi. Parmi les méthodes les plus anciennes, on signalera les exercices illustrés sur un rouleau datant de 168 avant Jésus-Christ, ou encore le jeu des cinq animaux.
Chaque maître de boxe, chaque école possède ses recettes plus ou moins secrètes. Ils n’empêchent que tous sont d’accord pour reconnaître que cette discipline du tai chi chuan est née de la rencontre du kung fu et la méditation taoïste ainsi que toutes ses pratiques connexes, massage, exercices de santé, connaissance des plantes, une réelle connaissance de l’ostéopathie, des rythmes du corps et de l’acupuncture.
L’art martial interne qu’est le tai chi s’enrichit de souffles internes par l’enracinement au tan tien. Cette phase est nécessaire pour mobiliser le Chi, et remplacer la force musculaire et la volonté, par l’énergie et l’intention.
Le karaté et l’aïkido sont des variations modernes sur le thème très ancien et chinois du tai chi. Les disciplines japonaises internes modernes, n’en déplaise à certains, ont une source commune et chinoise, dont le tai chi est une des premières manifestations.
À notre époque le côté martial reste d’un intérêt inestimable, car il permet de mettre en place en exemples concrets, des principes qui sans cela resteraient purement philosophie théoriques, donc mentaux.
Le fait d’incarner les principes (qui sont les conséquences des lois naturelles) dans une relation à deux, va mettre en jeu non seulement le tan tien inférieur par l’enracinement et l’accès aux Chi, mais aussi tan tien moyen, par la maîtrise de l’émotionnel, ainsi que le tan tien supérieur, par l’exercice du Yi.
Chaque mouvement de la forme a sa définition logique dans le combat. Une attaque est toujours parée par un mouvement circulaire qui est en même temps la riposte dans sa transformation Inn/Yang.
Il est nécessaire d’apprendre la forme globalement dans un premier temps, afin d’enrichir le chéma corporel des postures ouvertes et circulaires du tai chi. Il est nécessaire ensuite de connaître le sens de chaque mouvement, afin de faire circuler le Chi avec l’intention, le Yi.
Les trois niveaux de tests dont nous nous servons sont plus difficiles à acquérir pour le faire-valoir que pour celui qui s’exerce :
1. Pratique statique à deux
Il est nécessaire de définir un certain nombre de critères de tests pour tirer quelque chose de valable à ce niveau de la pratique.
Saluer. Prendre contact. Dire bonjour. Choisir la direction où l’on va appliquer sa poussée et s’y tenir. Ne pas pousser en poids, rester dans ses pieds. Poussée progressivement, régulièrement. Doser la poussée en fonction du retour du partenaire. Effectuer toutes les poussées avec la même force. Manifester par un recul de tout le corps la puissance perçue. Ne pas jouer au prof. Rester silencieux est concentrée. Se rappeler que quand on a effectué le test correctement, ainsi que son partenaire, et que l’on a réalisé la consigne initiale, et bien c’est là que le plus intéressant peut commencer. En effet l’obtention d’un résultat à un test en travail à deux, permet d’explorer par soi-même la question posée en fonction de ses singularités.
2. Pratique dynamique à deux
En rajoutant le mouvement, la synchronisation des deux partenaires devient centrale. Au niveau mental les qualités requises sont le calme, la perception juste et claire du temps, la compréhension d’un mouvement dans l’espace.
Nous devront définir la direction du poing, le rythme du pas, afin que le test soit dégagé de toute impression d’agressivité qui nuirait à la progression de l’engagement dans le travail à deux.
On apprendra à faire le petit robot qui est très gentil. On pourra ensuite le régler de plus en plus vite. Souvent ces petits robots sont espiègles et n’écoute pas vraiment ce qu’on leur demande, cela fait aussi partie du jeu, qui serait bien triste si les robots ne désobéissaient pas.
3. Pratique à vitesse réelle
En fait certaines personnes sont très rapides, et ont cependant beaucoup de mal à pratiquer dans l’interne, donc il n’est pas raisonnable de griller les étapes et de les emmener sur un chemin valorisant certes, puisque révélant leur capacité naturelle, mais chemin non spécifique du tai chi, qui risquerait de les maintenir dans l’externe à tout jamais…
D’autres personnes sont plus lentes, mais ressentent bien les souffles.
Dans ce cas on peut accélérer, et se rendre compte qu’il n’est pas besoin d’aller très vite extérieurement, si l’on perçoit l’énergie correctement.
La vitesse réelle, sous peine de retomber dans le pugilat, ne concerne que les niveaux avancés, puisqu’elle requiert une intégration parfaite de ce qu’est l’interne, ce qui demande la simultanéité de toutes les étapes précédentes.
Les 13 gestes sont constitués des cinq éléments et des huit Pa Qua.
Ces huit énergies de base ont pour emblème les huit trigrammes, qui définissent huit directions qui elles même définissent huit actions :
Les mouvements correspondant aux cinq éléments sont :
- avancer à droite
- avancer à gauche
- reculer à droite
- reculer à gauche
- rester au centre
Les huit actions sont :
- P’en : parer
- Lieh : esquiver
- Ts’ai : prendre et tirer
- Lü : tirer vers l’arrière et en bas
- Ön : repousser
- Jäi : faire pression en avant
- Jö : donner un coup de coude
- K’ao : donner un coup d’épaule
Les grands chapitres du travail à deux concernent l’harmonisation des trois centres appelés Tan Tien : l’enracinement en L3 et la perception du Chi, ne doivent pas être troublés par l’émotion. Le mental doit comprendre la situation, l’espace, plus le temps, plus l’intention du partenaire, il ne doit pas être dispersé par des pensées parasites. Le Yi qui dépend du feu de la terre, est le ministre du Shen, l’esprit, il doit être par conséquent en accord avec la nature, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur de soi.
L’émotionnel, le placement, dépendent de la continuité du mouvement, de la conduction, du contact avec le partenaire : compréhension de l’énergie qui émane avant que le mouvement ne soit visible. Adhérer, absorber, coller, émettre, diriger l’énergie, tels sont les qualités du tai chi. Ces acquisitions permettent tout en restant dans l’interne, d’être adapté, efficace, réaliste.
La fluidité et la joie de vivre sont les signes de connivence des pratiquants de l’art interne.
Lou Yan